Mon papier sur TIH 453 : Russie : quand les crises s’insèrent dans une économie mondialisée


Bruits de bottes, tensions diplomatiques, interrogations sur l’avenir des relations avec la Russie et le devenir de l’Ukraine, les questions posées par la situation née de la « révolution ukrainienne » et de la situation en Crimée, conduisent à s’interroger sur la place des courants d’échange avec ces pays, et singulièrement la Russie.

L’UE premier fournisseur mondial de la Russie et premier acheteur de ses hydrocarbures


L’Union Européenne échange aux alentours de 340 milliards d’Euros avec la Russie et de 40 milliards avec l’Ukraine.  Un écart de 1 à 8,5 (en gros comme celui des PIB) quand les populations sont dans un rapport de 1 à 3.
Deux marchés bien différents. Avec un solde déficitaire de 90 milliards €, les échanges avec la Russie sont marqués par l’importance des importations de produits énergétiques par l’UE, alors qu’ils sont excédentaires avec l’Ukraine (d’environ 9 milliards € en 2012).



Comme on sait, plus de 80 % en valeur des exportations russes vers l’UE sont constitués de produits énergétiques et miniers, et ce de manière assez stable en pourcentage. En sens inverse, les exportations de l’UE sont largement consituées – et en proportion légèrement croissante  - de produits manufacturés pour atteindre 87 % en 2012.  Dans cet ensemble, les machines et véhicules passent sur la dernière decennie de 27 à 47 % environ en valeur.
Il reste qu’actuellement, l’UE est le premier fournisseur mondial de la Russie, et qu’au sein de l’Union, la France en est le troisième partenaire derrière l’Allemagne et l’Italie. A noter, l’Ukraine a un niveau d’exportations vis à vis de l’ex « grand-frère » supérieur d’environ 9 % à celui de l’Italie, et légèrement inférieur à celui des USA.

Figure 1.  : Fournisseurs de la Russie en 2013 Source : Direction générale du Trésor

Une analyse plus fine met en évidences d’autres équilibres (ou déséquilibres) en Europe.
Considérons la France, la Pologne et l’Allemagne. Ces trois pays échangent pour 120 milliards €  avec la Russie , dont 74 milliards € pour la seule Allemagne et  27 pour la Pologne, contre 18 pour la France. Or si l’Allemagne et la France enregistrent à peu près le même déficit commercial – entre 2 et 3 milliards € (nous étions en excédent en 1999) - le déficit de la Pologne est de plus de 10 milliards €. En outre, les exportations allemandes  représentent pratiquement un tiers de celles de l’UE vers la Russie.  Ainsi, dans les bras de fer globaux qui s’engagent parfois au niveau international, mêlant diplomatie et business, les forces et faiblesses des acteurs sur l’échiquier ne sont pas les mêmes, loin de là, et nécessiteraient en amont, la définition de règles de solidarité au sein de l’UE.  Changer de source d’approvisionnement énergétique est une chose, faire face à un écroulement – délibéré ou subit –  de la demande en automobiles par exemple en est une autre. Pour la France, ce sont des balances positives dans les matières plastiques, l’habillement, le cuir et les textiles, par exemple, et bien entendu le luxe qui seraient concernés. Sans compter les rentrées liées au tourisme et aux investissements de capitaux.

 Le secteur des transports : les grands réseaux sont là-bas.


Pour le secteur des transports les choses sont à peu près parallèles.  Ne parlons pas de pavillon, du moins du nôtre, disparu du grand international depuis longtemps, mais des firmes.  Les grands groupes européens d’organisation de transport, de prestations logistique sur entrepôt, et naturellement les grands de l’express, ont recherché assez vite à prendre place d’abord dans les PECO, puis en fédération de Russie et dans les pays comme l’Ukraine. Pratiquement il n’est pas de grand groupe mondial multimétier qui ne soit implanté de manière significative en Russie.  Pour ne considérer que les plus européens, l’organisateur des transports et logisticien Kuehne + Nagel y est implanté depuis 1992 où il possède 17 implantations dont 7 centres de distribution.  Le géant multimétiers DHL –présent en Russie depuis 25 ans - y offre toute sa palette de services allant du paquet à la logistique sur entrepôt en passant, comme K+N par le transport routier et l’organisation de transports (avec par exemple l’organisation de groupages maritimes entre Vladivostok et les USA). La firme offre par exemple chaque jour une capacité aérenne de 32 tonnes entre L’Europe et la Russie depuis Leipzig ou Helsinki. Elle dispose d’un réseau de 150 agences express, 7 terminaux. TNT express est implantée depuis 1989, et dispose d’un réseau dense. Le groupe Geodis est présent via Geodis Calberson sur 11 sites et y emploie 250 personnes. Il exploite également un entrepôt près de Moscou. Une firme comme Dachser est implantée depuis 2008 et réalise en Russie un CA d’envion 20 millions € sur 6 sites.
Hellmann, s’est également établi en 2008 et y regroupe 129 personnes sur 5 sites principaux. Le groupe scandinave DSV – de longue date intéressé par l’Est, offre en Russie toute sa palette de services, allant de l’organisation de transport aérien et maritime, à la logistique et au transport routier. Elle y a installé 9 implantations principales regroupées dans trois compagnies. 
Ceva logistics fait dans la fédération du management de transport sous la marque Smartlogistics.

Le grand transitaire Panalpina y a un réseau de14 agences.
Un groupe également très orienté vers l’est, comme Raben Group, a organisé autour de Vilnius et Kauna via Raben Lithuania une porte pour ses flux avec Kaliningrad, le Belarus et la Russie.
Enfin, certains ont accompagné l’expansion internationale de groupes, industriels bien sûr, mais aussi de la grande distribution, à l’instar de firmes  novatrices comme FM logistics, implantée dès 1997 et 1998 en Ukraine et en Russie. Ainsi, une firme comme Auchan est depuis 2002 en Russie. Les groupes Allemands Metro ou Rewe y ont également une présence significative. Et puis, naturellement il convient de rappeler le passage de Gefco dans le giron des chermins de fer Russes, même si l’implantation du groupe demeure concentrée en Russie « Européenne ».  Il reste que la construction – parfois complexe et couteuse – d’une offre logistique pan européenne intégrant la Russie est demeurée un objectif pour de nombreux grands groupes.  Un signe :  la fédération Russe a été le pays  linvité d’honneur du SITL en 2010. Et de fait, l’offre d’entrepôts a repris sa course en avant à Moscou après le trou d’air consécutif à la crise de 2009.

Nous sommes donc non seulement en face d’un problème d’échanges, mais bien en face d’une crise touchant des réseaux de plus en plus globalisés traitant avec des clients ayant suivi la même voie, mais ayant un fort encrage dans la consommation locale (automobile, distribution).  Une problèmatique qui n’est plus celle des crises de jadis, quand les échanges étaient faibles et les économies peu mondialisées, peu interpénétrées. Du coup aucune crise n’est vraiment lointaine… à fortiori quand elle touche notre continent. Et l’impact économique de mesures de rétorsion, très complexe à évaluer.

P.S.


Sources générales  :

Douanes françaises, chiffres du commerce extérieur : http://lekiosque.finances.gouv.fr/APPCHIFFRE/Portail_default.asp


Encadré : Les hydrocarbures russes
 (d’après les publications des services économiques en russie)


La Russie possède les secondes plus grandes réserves« prouvées » de gaz avec 32900 milliards de m3 selon BP soit plus de 20 % des réserves mondiales, et en est le second producteur au Monde.  L’estimation Russe – plus optimiste – la placerait selon la direction générale de Trésor français au premier rang.  La Sibérie occidentale assure actuellement entre 70 et 80 % de la production.  La Russie assure le tiers des besoins de l’UE quie st son principal client.
Par ailleurs, la fédération est le second producteur mondial de pétrole (13 % de PM).
Les hydrocarbures sont responsables de la moitié des ressources du budget fédéral russe.
La production gazière Russe a été en 2013 de 688 Milliards de M3, dont 480 pour Gazprom qui a encore le monopole des exportations. 50 % du gaz exporté vers l’Europe transite par l’Ukraine. Mais Gazprom a, on le sait, développé des stratégies d’évitement avec deux « tubes » en lien avec ses partenaires européens : Nord Stream (http://www.nord-stream.com/)  dont le test a eu lieu en décembre et South Stream (http://www.south-stream.info/?L=1) qui devrait ouvrir en 2015.
Rosneft, le grand pétrolier russe, se situe désormais au classement mondial devant ExxonMobil et Petrochina avec une production représentant 37 % de la production russe et 4,5 % de celle du monde. Le groupe est désormais également impliqué dans le gaz.

Enfin, toujours selon la note de la direction du trésor (services économiques), le réseau de raffinage russe est largement obsolète, et de ce fait ne permet pas une grande profondeur de raffinage, contrairement à ce qui existe en Europe ou aux USA.


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