SNCM : mon papier pour TIH n° 464 : "SNCM : quand tout s’affole"


Flash back

Au départ il y a une compagnie. Monopoliste ou presque. Elle dessert la Corse, et le Maghreb.  Une compagnie singulière, dont la capital initial revenait à la Compagnie Générale Maritime et à la SNCF, et qu’on a appelé SNCM, histoire de rappeler à tous le caractère le l’entreprise. C’est l’héritière de la « Transméditerranéenne » crée en 1969 (par addition des flottes et services méditerranéeens de  la « Transat » et de la « Mixte »).  Nous sommes en 1976. Le gouvernement instaure le « service public de continuité territoriale » et confie à la nouvelles compagnie et à la Méridionale la tâche de le mettre en œuvre pendant 25 ans. Un des résultat de la « charte » mise en place par Libert Bou, un « Monsieur Corse » remercié début 1976. Avec l’idée folle, dont j’ai gardé souvenir, de faire dériver les tarifs maritimes de ceux de la SNCF.  On fait « comme si ».

Héritage
La Corse, à travers son statut particulier, hérite de la continuité territoriale au début des années 1990. Il est alors prévu que des conventions quinquennales encadrent tarifs et services.
Un point fait à la fin de 1999 sur 24 ans de fonctionnement de la continuité territoriale fait ressortir que la SNCM a bénéficié de 66 % des fonds alloués.
Des conventions ont été conclues en 1996 pour 6 ans, permettant finalement de respecter au total les 25 ans prévus par l’Etat.
A l’époque – à la fin des années 90 – un petit million et demi de passagers est acheminé par an. Un rapport de la chambre régionale des comptes (mai 2002) souligne alors que si pour la Méridionale on assiste à une réelle maîtrise des subventions et un effort de productivité, il n’en est rien pour la SNCM. De surcroît la Chambre met en lumière des subventions croisées avec les lignes du Maghreb. Ca fait désordre.  Et déjà, à l’époque, les rapporteurs soulignaient la forte conflictualité de l’entreprise (98 jours de grève entre 1992 et 1999).

Ca va aller mal !
Or c’est à peu près à la même époque – en 1997 – que le rapport « Pagès »  anticipant sur l’effet de l’ouverture du marché à la concurrence (1999) et de l’arrivée à échéance de la convention avec la Collectivité Corse, lançait un veritable cri d’alarme. Endettée, déficitaire, en situation souvent conflictuelle, la SNCM allait tout droit au devant de difficultés...ou vers sa disparition.  Plusieurs scénarios furent étudiés... pour finalement, après une nouvelle convention, déboucher sur la crise que l’on sait, en 2005.



A cette époque on misa sur la privatisation – après un nettoyage comptable condamné depuis – mettant assez vite en première ligne le groupe Veolia (après le triste épisode Butler),  qui finira par reprendre 66 % en 2013. Mais le marché avait déjà profondément changé. Corsica Ferries, qui auparavent ne pouvait desservir la Corse que depuis l’Italie, s’est lancé en 2001 à partir de Toulon avec des « méga-ferries » (plus grands, plus rapides) après une incursion via Nice. Au total, la Corsica Ferries a apporté  plus d’1 million de passagers au milieu des années 2000, et apportera au total en une douzaine d’années autour de 2 millions de passagers. En parts de marché, sur le continent français, les positions sont pratiquement acquises en 2006, pour osciler ensuite, pour la Corsica Ferries, autour de 60%.

Immobilisme

La réaction de la SNCM ne bouleverse pas les données. Fondée sur un modèle économique privilégiant la rotation des navires et le service, la SNCM est par ailleurs hadicapée par l’utilisation légale par Corsica Ferries du pavillon bis italien (Il registro internazionale). Ce qui permet de réduire à néant les cotisations sociales, et de défiscaliser les revenus des personnels.  Et la SNCM dégage régulièrement des pertes, toutes subventions encaissées, et fait régulièrement appel à des avances d’actionnaire. Et comble de malheur pour elle, les conditions de sa privatisation et la DSP précédente – intégrant un service complémentaire – ont été condamnés, et font l’objet d’une demande formelle de remboursement. Une somme de 440 millions € sans compter les intérêts.
Tout cela n’empèche pas la nouvelle Délégation de Service Public pour le desserte de la Corse de lui échoir, conjointement avec la Méridionale. Une délégation intégrant, si on peut dire, deux arrières pensées. L’une de la SNCM qui, arguant de l’acquisition de nouveaux navires, présente des bilans prévisionnels pour le moins étonnants. Ainsi en 2017 il y aurait sur Bastia et Ajaccio plus de 2 fois plus de places offertes aux passagers, 3 fois an Balagne, et 1/3 de plus sur Porto-Vecchio.  Une capacité que la SNCM compte bien remplir, y compris semble-t-il en période creuse ou pendant l’avant saison, pour faire le nombre de passagers « couverts par la DSP » de la SNCM de 337 000 en 2014 à 589 000 en 2014 et  700 000 en 2023. Un miracle. L’autre arrière pensée est celle de la Collectivité Territoriale qui, anticipant d’éventuelles difficultés entend bien créer une compagnie régionale.
Fumigènes ?

Avec une grève dès le premier jour de la nouvelle délégation, la SNCM a inauguré l’année 2014 en proie aux doutes.

Et comme par magie, depuis, les nouvelles, vraies ou fausses, provisoires ou non, s’enchaînent. Reprise en main par Transdev,  bataille pour la nomination du directoire de la compagnie, départ de Dufour, remplacé par Diehl, discussions interminables autour du financement d’un plan dont on ne sait toujours pas s’il sera mis en œuvre. Acquéreur potentiel – SIEM - lâchant l’affaire, nouvel acquéreur potentiel se manifestant (Baja Ferries/Unishipping), laissant, c’est le moins qu’on puisse dire, dubitatifs les experts du secteur, bruit de vente de navire à la SNAV (Italie), bruit d’une grève pour fin juin… La machine s’affole, les communications sont immaîtrisées, les gens s’inquiètent. Et on compte les propos irresponsables des politiques de tout poil, niant les évidences, et cherchant parfois à peu de frais, à faire valoir au travailleurs leur soutien. Reste l’essentiel. Un gâchis annoncé depuis 20 ans. Une patate chaude laissée à la Corse, et un conflit social à venir à Marseille.

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