#Transport Info : Mon papier sur #NorbertDentressangle

Transport Info  n° 490 a publié mon papier sur le rachat de #ND par #XPO intitulé "Est-ce un signe ?".

Rachat XPO-ND
Est-ce un signe ?
Publié dans Transport Info n° 490 du 7 mai 2015

L’histoire des fusions et absorptions est toujours un sujet de fantasmes. Surtout lorsque les acheteurs ressemblent un peu à des prédateurs et arborent une tunique étrangère, aujourd’hui non européenne.

Dans les années 1980, où les premiers classements d’entreprises ont été établis, le paysage était dominé par les grands groupeurs, issus, généralement, d’une croissance sage, rythmée par des rachats, et quelques grands organisateurs de transport.  La France d’ailleurs avait, en termes de taille, un avantage concurrentiel réel, patent en messagerie, par rapport à ses partenaires européens. La nouvelle réglementation française et européenne, changea pas mal de choses, en permettant à des Dentressangle et des Giraud, de mener une belle croissance externe, à TFE de renforcer sa position de leader, et aux filiales des groupes automobiles (Gefco et Cat) de grimper dans le « Top ».  Déjà de petits groupes commençaient à disparaître, absorbés , comme Savam, Drouin, Transcap, Debeaux, Prost, Mazinter, ou encore Hurel. A l’époque on parlait de construction de réseaux nationaux. Par delà les présences anciennes (comme celle de Schenker), la pratique était de nouer avec les groupes étrangers des accords de coopération. Les intrusions étrangères étaient faibles. Quelques groupes anglais s’y essayaient (comme TDG, repris plus tard par ND), et ce fût les tentatives des expressistes : UPS racheta Prost, TNT (alors encore australien) et Fedex s’essayaient à l’implantation directe avant de réviser leur stratégie. Mais c’était avant ce que j’ai appelé à la fin de la décennie 1990 le « grand chambardement ». Une addition de mondialisation, création du marché unique, déréglementation des activités postales et ferroviaires, etc.. C’est dans ce contexte que se sont organisées des stratégies nouvelles, largement inspirées par quelques visionnaires – je pense par exemple au patron d’Exel  d’alors, John Allan – et que les firmes européennes comprennent tout à la fois la nécessité de construire des firmes de grande taille, mondialisées, et à tout le moins européanisées, et la construction d’une offre globale, multimétiers, structurée en fonction des besoins des clients. Rappelons aussi que cette période coïncide avec la poursuite de la croissance rapide de la prestation logistique sur entrepôt, externalisée par les chargeurs auprès de spécialistes. On voit fleurir alors non seulement des nouveaux mots : supply chain, « solution », logistique intégrée, 3PL puis le mythique 4PL etc.., mais surtout une frénésie acheteuse. Au niveau mondial les choses s’accélèrent au tournant des années 2000, sous l’égide des groupes européens. Britanniques (épopée d’Exel et de Tibbett & Britten rachetant Ocean Msas), Suisse (avec le rachat d’AEI par Danzas par exemple) qui non seulement se développent en Europe mais aussi à travers le monde et aux USA.  Mais les firmes américaines mènent aussi, sur une base différente, une croissance externe (je pense à CH Robinson), tout comme des asiatiques, comme le groupe NOL qui reprend APL. Mais en 2000 tout change avec les stratégies des postes allemande et néerlandaise et la poursuite des stratégies de croissance externe des gros opérateurs en quête de réseau et de diversification. C’est un véritable chambardement. C’est ainsi que la poste néerlandaise acheta TNT qui devint petit à petit un groupe diversifié combinant les trois trépieds : Logistique, Freight Forwarding et Express, qu’elle démentellera par la suite. La Poste allemande construira en quelques années le groupe multimétier DHL avec, le rachat de Danzas en 2000 puis en 2005, du premier logisticien du monde (Exel) qui avait lui même absorbé son principal concurrent (Tibbett & Britten). Bien entendu les « autres » grands groupes ne réstèrent pas l’arme au pied. La Deutsche Bahn, après avoir démantelé son groupe, le reconstitue sous l’égide de Schenker, et rachète  massivement des firmes en Europe et aux USA. Kuhne et Nagel s’engage à son tour dans ce mouvement, tout comme, avec moins de succès, les chemins de fer belges avec l’épopée malheureuse d’ABX.  Les australiens – je pense à Toll – tout comme certains asiatiques font de même, s’interessant d’abord à leurs marchés naturels, puis, comme tout le monde à la Chine. Après 2008, les firmes US s’engagent à leur tour dans des opérations de rachat ou de fusion/absorption nombreuses, permettant principalement l’émergence de nouveaux groupes ou leur renforcement essentiellement aux USA.
En 2014 les plus gros logisticiens du monde sont Européens, 7 des 10 plus grands transitaires mondiaux sont Européens, contre un seul américain. Et sur les 4 grands expressistes mondiaux 2 demeurent  américains.  Et la messagerie traditionnelle se concentre, certes, mais sur une base nationale.
Le fait que Norbert Dentressangle soit racheté par un américain n’a pas de sens particulier. Sans doute la nature même du capitalisme US et le rôle des private equities favorise-t-il l’intervention de financiers dans notre secteur – plusieurs détiennent discrètement des entreprises majeures -. Sans doute le cours du dollar rend-il du pouvoir d’achat aux investisseurs US. Mais les cours élevés de 2000 et 2001 n’ont en rien provoqué de fièvre acheteuse hors Etats Unis.  Il reflète en revanche une stratégie familiale en quête de quelques milliards de cash.

P.S.

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